Il est nĂ©, halleluiaâŠ
Nous y sommes rendus pour présenter nos hommages comme des curieux rois mages.
Il est vrai que Besnate, oĂč Magni Gyro a installĂ© en 2000 son unitĂ© de fabrication de presque 1000 m2 se trouvait sur notre chemin en allant Ă la Coupe Icare.
Le M 24 Orion est né dans la soixante-dixiÚme année de la vie du Seigneur des autogires, Vittorio Magni.
Cette conception tardive peut ĂȘtre qualifiĂ©e miraculeuse, et quant au rĂ©sultat, elle lâest sans doute.
Je mâen doutais bien dĂšs que jâai vu les premiĂšres photos de lâOrion. Maintenant, aprĂšs lâavoir essayĂ©, je confirme: câest le dĂ©but dâune nouvelle Ăšre dans lâhistoire du vol ultralĂ©ger. LâOrion sera le premier, et probablement pour trĂšs longtemps le seul souverain de cette nouvelle Ă©poque. Pourquoi toutes ces exagĂ©rations poĂ©tiques? Je ne pourrais pas le dire, mais je suis toujours un peu assommĂ©, comme un hĂ©rĂ©tique apostat qui rencontre le Sauveur.
Depuis des annĂ©es, je sais bien que lâavenir du vol ultralĂ©ger motorisĂ© est sans doute orientĂ© vers les deux extrĂȘmes: dâune part le paramoteur, dâautre part les voilures tournantes. Dâun cĂŽtĂ©, pour la facilitĂ©, le caractĂšre pratique et le prix accessible, et de lâautre, pour la valeur dâutilisation maximale. Je pense notamment Ă lâimmunitĂ© lĂ©gendaire des voilures tournantes contre la mĂ©tĂ©o.
En plus, il faut mentionner la facilitĂ© du pilotage des autogires, leurs avantages qui Ă©taient jusquâici un peu ombragĂ©s de point de vue commercial par leur caractĂšre de "vĂ©lo volantâ, sans parler du prix relativement Ă©levĂ©, lâesthĂ©tique un peu spĂ©cial et les prĂ©jugĂ©s contre les voilures tournantes.
Cet aspect âairbikeâ Ă©tait obligatoire jusquâici parce quâaucun des fabricants nâa pu trouver dâautre solution pour la stabilitĂ© dans le sens du vol quâavec les siĂšges Ă©troits, placĂ©s lâun derriĂšre lâautre et surtout non couverts.
Pourtant lâaĂ©ronef ultralĂ©ger parfait est Ă©quipĂ© des siĂšges lâun Ă cĂŽtĂ© de lâautre, et surtout, tout cela dans une cabine fermĂ©e. Pourquoi? Parce quâautrement, on ne peut pas en vendre suffisamment pour que son dĂ©veloppement se paie. Pourquoi? Puisque la clientĂšle ciblĂ©e qui peut se permettre dâentretenir un âobjet de jouissanceâ si Ă©lĂ©gant, reprĂ©sentant âla perfection au masculinâ, se tient absolument Ă pouvoir tripoter les genoux de sa passagĂšre.
Je sais, il y a beaucoup de jeunes hommes beaux et sportifs qui aspirent Ă voler, je leur fais passer le message: quâils volent en paramoteur en attendant dâavoir de quoi se payer un autogyre. Ceux qui sont dĂ©jĂ suffisamment aisĂ©s dans leur jeunesse, ils feront mieux de ne pas voler du tout, car probablement ils nâauront jamais lâhumilitĂ© nĂ©cessaire pour Ă©viter que la sĂ©lection naturelle ait raison dâeux. Il existe bien sĂ»r des exceptions, mais de plus en plus rares dans le monde dâaujourdâhui. Il reste donc les Ă©ternellement jeunes, luttant contre la chute des cheveux et les kilos, qui goutent aux pilules bleues pour dâautres raisons que la pure curiositĂ©.
LâOrion est leur aĂ©ronef par excellence. Non seulement parce quâil a des lignes gracieuses et excitantes comme une ballerine, mais aussi parce quâil est docile, obĂ©issant, je dirais mĂȘme: indulgent. Jâai pu mâen convaincre des les premiĂšres minutes du vol.
Jâai eu la chance de goĂ»ter aux caractĂ©ristiques de vol du M 24 accompagnĂ© du fils cadet de Vittorio Magni, Luca. Ce garçon maigrichon est un grand pilote, et de plus, un instructeur douĂ© de sens pĂ©dagogique et dâempathie. Donc, pas du tout le profil dâun propriĂ©taire dâOrion! Il mâa laissĂ© jouer Ă volontĂ© avec le prototype no. 1, et je me forçais avec difficultĂ© Ă faire preuve de modĂ©ration. Jâaffirme que voler avec cet autogire est plus facile, plus naturel, plus instinctif quâavec un Cessna quelconque. Ce nâest pas lâoeuvre du hasard. Câest ce que voulait Vittorio. Il a pris comme lâhypothĂšse de base le fait quâun pilote qui remplace son M 16 ou 22 par un M 24 ne verra pas ses capacitĂ©s sâamĂ©liorer, au contraire.
Le plus miraculeux est que cette douceur, cette bontĂ© ne se voit pas sur lâOrion. Son style nâest pas agressif, et pourtant il nâa pas lâair dâune poussette volante. Ses portiĂšres papillon sâouvrant vers le haut lui prĂȘtent carrĂ©ment un aspect sportif. LâintĂ©rieur est spacieux. Les 115 centimĂštres au niveau des Ă©paules sont largement suffisants, dâautant plus que le siĂšge passager est reculĂ© de 10 cm, ainsi les Ă©paules ne se touchent pas, et la vue Ă droite est de beaucoup meilleure que sur les multiaxes traditionnels Ă©quipĂ©s de sieges cĂŽte Ă cĂŽte. Si on parle dĂ©jĂ de la vue, elle est parfaite dans tous les sens, sauf Ă lâavant, quand lâautogire pique du nez, par exemple au moment de lâarrondi. Cela est assurĂ© par les Ă©normes surfaces en plexigas couvrant la cabine. La finition de la structure auto-porteuse en fibre carbon est impeccable, et son poids incroyable: 11 kg. Pourtant mĂȘme le rĂ©servoir de 80 litres en fait partie, placĂ© derriĂšre les siĂšges, tout prĂšs du centre de gravitĂ©. A propos du centre de gravitĂ©: Magni a rĂ©ussi Ă trouver la solution pour ne pas devoir emporter du lest sur le siĂšge passager en cas de vol solo. Quant Ă la stabilitĂ© en tangage, elle est tout aussi parfaite que celle des biplaces tandem de la mĂȘme marque. Pour cela, il avait suffi de redresser le mĂąt support du rotor, de rallonger la queue, et surtout une cabine dont la masse et la forme gĂ©nĂšrent une portance zĂ©ro Ă la vitesse de croisiĂšre. Le âgrand guignolâ est que cette forme ovale, allongĂ©e amortit tout mouvement en lacet. Les pilotes de pendulaire comprendront bien de quoi je parle.
Les structures volantes Ă hĂ©lice propulsive et Ă suspension Ă un point ont un fĂącheux caractĂ©ristique obligatoire: la prĂ©cession de lâhĂ©lice fait tourner le fuselage en 90 degrĂ©s par rapport Ă lâaxe de lâhĂ©lice. Le nez carĂ©nĂ© intensifie encore ce phĂ©nomene, car dĂšs que la prĂ©cession fait dĂ©vier lâaĂ©ronef, il reçoit le vent de cĂŽtĂ©, et des forces aĂ©rodynamiques diverses et non prĂ©visibles se manifestent. Il y a plusieurs mĂ©thodes pour y remĂ©dier. Cependant, les moteurs inclinĂ©s Ă 3-5 degrĂ©s latĂ©ralement ou mĂȘme Ă lâavant nâont lâeffet compensatoire quâĂ un certain rĂ©gime (en gĂ©nĂ©ral, au rĂ©gime maxi). Les hĂ©lices contrarotatives ont leurs inconvĂ©nients du point de vue de lâĂ©nergie et du surpoids. Les empannages verticaux sur les carĂ©nages des roues (ailerons de requin) sont assez efficaces Ă vitesse Ă©levĂ©e pour faire retourner le fuselage dans la direction souhaitĂ©e, mais ne rĂ©solvent pas le probleme de la mise des gaz subite Ă basse vitesse. Dans le cas des autogires, ce phĂ©nomĂšne est encore aggravĂ© par le couple latĂ©ral du rotor principal.
Mais le pĂšre Vittorio sâoccupe des voilures tournantes depuis bientĂŽt cinquante ans. Sâil vit quelquâun sur terre qui dispose suffisamment dâexpĂ©rience pour rĂ©soudre cet Ă©nigme de prĂ©cession, câest bien lui. Et, grĂące Ă Dieu, il est en si bonne forme quâil y a lieu dâespĂ©rer de lâentendre dire dans vingt ans: si seulement je pouvais encore avoir soixante-dix ansâŠ
Il affirme: la solution thĂ©orĂ©tiquement nâest pas modĂ©lable. RĂ©cemment, une Ă©tude de plus de six cent pages a Ă©tĂ© publiĂ©e par lâuniversitĂ© de Glasgow sur les phĂ©nomĂšnes aĂ©rodynamiques des autogires, oĂč tous les dĂ©tails sont bien expliquĂ©s et appuyĂ©s par des formules avec une prĂ©cision scientifique, puis Ă la fin, une derniĂšre remarque: les solutions utilisĂ©es par Magni ne correspondent pas aux thĂ©ories dĂ©crites, toutefois il faut admettre que ces autogires sont les plus sĂ»rs et les mieux Ă©quilibrĂ©s parmi toutes les voilures tournantes. Restons-en lĂ .
La masse Ă vide de lâOrion est de 285 kg, quâils veulent encore diminuer de 5 kg. Le moteur est le Rotax 914 traditionnel, et Magni ne pense mĂȘme pas sâoccuper des motorisations alternatives. Pour le prĂ©lancement du rotor de fabrication maison ils utilisent le sytĂšme de cĂąble bien Ă©prouvĂ©, sans doute câest moins Ă©lĂ©gant que la solution utilisĂ©e par les allemands, mais le pĂšre Magni doit bien en savoir quelque chose. Avec la masse maxi autorisĂ©e, lâOrion a besoin de 100-110 mĂštres pour dĂ©coller, il monte Ă 3-4 m/sec, Ă une vitesse de croisiĂšre de 160-170 km/h, avec une consommation correspondante de 20-22 litres dâessence de 95. Dans la plage des vitesses entre 100-140 km/h, câest un vrai jouet, il adore toutes les manoeuvres Ă âgâ positif. Les âgâ nĂ©gatifs, cela va sans dire, posent un problĂšme.
La sĂ©curitĂ© du vol est prouvĂ©e par le fait que parmi les cinq cents Magni Gyro jusquâici fabriquĂ©s, il nây a pas eu un seul cas de PIO (oscillation induite par le pilote).
Naturellement, le vol sâest terminĂ© par un atterrissage avec le moteur Ă lâarrĂȘt, un jeu dâenfant. Quant aux commandes, ils en sont dĂ©ja Ă 15, et mâont confirmĂ© que si je verse lâacompte sur les soixante mille euros sĂ©ance tenante, je peux venir chercher mon Orion fin fĂ©vrier. Il nây a quâune chose qui cloche, et ce nâest pas le fait que je ne sois pas le gagnant du loto, mais ne parlons pas de politique.
Texte: Szabó György
Photo: Koszta PĂ©ter
Photo: Koszta PĂ©ter