Hátimotor Hátimotor Motoros sárkány Kezdőlap Merevszárnyú UL Forgószárnyú UL Mûrepülés Videók Galéria

Version francaise Versiunea în româneste
 
Motoros sĂĄrkĂĄny

Raid des Carpates 2004


Ils se sont posĂ©s sur le terrain de Budaörs le mercredi midi. Le coup de fil de Claude Delluc m’annonçant la nouvelle a rendu la chose indĂ©niable. Quand nous en avons parlĂ© pour la premiĂšre fois lors du rassemblement ULM d’Avoriaz, cela me semblait si peu probable. Qu’ils descendraient en vol, une douzaine, pour participer au raid „Les Carpates”, en suivant le Danube. De la source au Delta. Quelle belle idĂ©e, mais si invraisemblable.
J’ai proposĂ© de m’occuper d’eux en Hongrie, mais je ne pensais pas avoir Ă  le faire. MĂȘme quand j’ai pris rendez vous pour eux avec la douane de Győr, je n’y croyais pas encore. Et ils Ă©taient lĂ . ArrivĂ©s sur le terrain de Budaörs, en deux jours, avec des Ă©tapes de 600 km par jour derriĂšre eux. Venus de la rĂ©gion de Lyon, de Paris, mĂȘme de Nantes. 11 machines Ă©taient Ă©parpillĂ©es sur le gazon, sous les ailes des Antonov 2 et autres Cmelak. Pendulaires, trois axes, mĂȘme un gyro. Quand les employĂ©s du hangar m’ont vu arriver, ils ont compris avec rĂ©signation leur malheur. Il va falloir mettre tous ces tas de feraille dans le hangar? Me lançait le chef des manut avec un semblant de colĂšre. Mais oui, bien sĂ»r, et avec plaisir en plus, je lui rĂ©pondis, faisant allusion au prix que la direction nous a demandĂ©: 12 euros par nuit et par machine, plus 4 euros de taxe par dĂ©collage, prix hors taxes bien sur.

Les braves „BlĂ©riots” et leurs accompagnateurs, 25 en tout, ont passĂ© 3 nuits dans un hĂŽtel de passe tout prĂšs de l’aĂ©rodrome de Budapest, pour un prix dĂ©fiant toute concurrence, certes il a fallu libĂ©rer les chambres Ă  lit double, qui Ă©taient destinĂ©es entre 10 et 19 heures Ă  une activitĂ© nettement plus lucrative. Pendant ces 2 jours, les baroudeurs ont pu faire connaissance avec les trĂ©sors touristiques de Budapest, tels que le chĂąteau, les bains thermales et les restos.
Le samedi matin l’équipĂ©e Ă©toffĂ©e de 2 pendulaires hongrois Ă©tait prĂȘte pour le dĂ©part vers la Roumanie. Le ciel Ă©tait couvert et il y avait un risque d’orage, rien de bien mĂ©chant donc.
Nous avons dĂ©collĂ© presque en formation. Cela m’a tout de suite surpris. J’avais une expĂ©rience plutĂŽt nĂ©gative dans ce domaine, et je m’attandais Ă  ce que nous soyons dispersĂ©s dĂšs le dĂ©but. Mais nous avons pu voler en formation, ce qui est bien plus excitant et convivial.
DĂšs que nous sommes passĂ©s au dessus de la casse des Mig Yak et Su de AlsonĂ©medi, j’ai dĂ» me rendre compte de l’importance de l’avertissement de Bruno Picot figurant dans chaque flight book: „attention au radada, lignes” En effet, une bonne majoritĂ© des pilotes ont rarement Ă©tĂ© Ă  plus de 20 m de hauteur sol. Je dois avouer, mĂȘme le pilote sage que je suis, j’ai fait l’expĂ©rience, lors de l’étape Oradea-Arad, le dernier jour du raid. C’est quand mĂȘme quelque chose. MĂȘme d’un paysage Ă  priori banal et monotone, j’ai pu tirer une exaltation frĂ©nĂ©tique.
Au bout de 2 heures, nous sommes arrivĂ©s quasiment tous en mĂȘme temps Ă  Szeged, (LHUD) oĂč les Hongrois ne nous ont pas loupĂ©s pour le coĂ»t des formalitĂ©s de douane. 47 + 11 Euros par machine, et ceci HT bien sĂ»r. Heureusement, tout comme Ă  Budaörs, il y a eu moyen de nĂ©gocier un peu et au bout d’une heure de tracasserie nous avons pu redĂ©coller sous plan de vol vers Arad. Peu avant de passer en Roumanie et sur la frĂ©quence de Arad (LRAR), un CB nous barrait le chemin. En tant que leader de la formation Ă  ce moment lĂ , j’ai du prendre une dĂ©cision, et je ne comprends pas, comment j’ai eu le culot de contourner vers le sud, le sens de dĂ©placement du nuage. Nous sommes passĂ©s prĂšs, mais c’était la bonne dĂ©cision, car au nord, d’autres gĂ©ants gris foncĂ©s Ă©taient cachĂ©s derriĂšre le premier, seul les trois axes ont pu se faufiler entre eux, avant qu’ils ne se soudent.
Sur la frĂ©quence de Arad, c’était la voix de Bruno Picot qui nous attendait.
DĂšs que nous nous sommes posĂ©s, nous avons dĂ©montĂ© nos ailes, cĂ©rĂ©monie qui est devenue notre quotidien par la suite. Sur le gazon de l’aeroport international de Arad, nous avons pu compter 42 ULM en tout, y compris des machines de fabrication locale, trois axes tout mĂ©talliques et motoplaneurs de forme assez curieuse, avec des pilotes qui allaient partager le tour avec nous.

Ce soir, nous avons pu faire la connaissance de Bruno et de son Ă©quipe.
Bruno est une force de la nature. Un gĂ©nie indomptable. Il a une sorte de magnĂ©tisme. Il est plein d’énergie, qu’il est capable de redistribuer sans compter. Il a une capacitĂ© inouie pour souder, solidariser des gens. Sous sa main, mĂȘme des individus fonciĂšrement diffĂ©rents sont compactĂ©s en une troupe, en une collectivitĂ©, en une bande de copains.

Les rĂšgles du jeu sont fixĂ©es immĂ©diatement. Ici, ce n’est pas le Club Med, chacun gĂšre sa merde. Cette expression est trĂšs efficace pour dĂ©crire le concept de raid de Bruno. Elle sousentend qu’il ne faut pas faire chier le monde avec des questions du style: oĂč sont les toilettes, et elle veut dire aussi, que dans des situations dĂ©licates, voir dangereuses, chacun doit faire face et vaincre les difficultĂ©s, y compris sa peur. Et je dois le dire tout de suite, des situations, oĂč l’on pouvait chier dans son froc, il y en avait. Mais nous avons su gĂ©rer nos sphincters, si ce n’est pas pour autre chose, au moins pour prouver Ă  Bruno, que l’on Ă©tait capables. Les participants ont pu choisir entre hĂŽtel ou camping. Bruno n’a pas pu s’en empĂȘcher de parler d’emblĂ©e de riches et de pauvres: c’était caustique, mais tout le monde l’a pris Ă  la rigolade. Il faut le dire que Bruno a partagĂ© la plupart du temps le logement de pauvres. Le principe des amendes et des dĂ©nonciations a Ă©tĂ© mis en application de suite. Ce concept Vichyen consistait a dĂ©noncer les participants qui ont fait des conneries ou qui ont commis des erreurs ou des fautes professionnelles d’aviateur. Un qui a dĂ©marrĂ© son moteur en soufflant les pendulaires parquĂ©s derriĂšre, ou l’autre qui a atterri contre QFU, ou encore celui qui a fait attendre tout le monde, ils ont du payer des amendes de 5 Euros, qui Ă©taient collectĂ©es dans une cagnotte, destinĂ©e Ă  ĂȘtre versĂ©e Ă  celui qui allait ĂȘtre le plus malhereux du raid. La force du destin, ou plus probablement la consĂ©quence d’un mauvais choix a fait que je suis l’un des deux qui en ont profitĂ©, car ma camionette d’assistance au sol a Ă©tĂ© victime d’un accident routier pas plus tard que le lendemain. Le premier jour c’était le ciel bleu et le vent du nord qui nous attendaient. Nous devions suivre la riviĂšre Mures jusqu’à Deva, puis le chemin de fer jusqu’à Sibiu. De toutes les façons, avec la chaĂźne des Carpates Ă  notre droite, on ne risquait pas de s’égarer. Les plus de 40 aĂ©ronefs ont mis moins de 10 minutes pour dĂ©coller et nous sommes restĂ©s groupĂ©s pendant tout le trajet. C’était grandiose. Une aussi grande formation d’avions n’a pas volĂ© au dessus de la Roumanie depuis la deuxiĂšme guerre mondiale. Faire partie de cette Ă©quipĂ©e, procurait une sensation rare. La vision des dizaines de machines aux alentours donnait un sentiment qu’un homme ne peut avoir la chance de ressentir qu’une ou deux fois dans sa vie.
Le paysage devenait valonneux, puis les collines ont cédé leurs places à de vraies montagnes.

A DĂ©va, nos hĂŽtes ont bien fait un effort pour nous accueillir. Adel Stef, le chef de l’aĂ©roport a accompli un quasi miracle en montant une structure tip de chez top avec trĂšs peu de moyens. Pour lui, c’était la consĂ©cration de nous inviter Ă  un festin grandiose, accompagnĂ© de parade et de dĂ©monstrations aĂ©riennes. Le patron de Cosmos, Renaud Guy nous a gĂątĂ©s par un solo spectaculaire, qui lui a coĂ»tĂ© de remarques acerbes de la part de ses compatriotes – il a presque frĂŽlĂ© leurs machines garĂ©es pendant ses manoeuvres de pro.

Les Cunimbs commençant Ă  s’interesser a notre petite fĂȘte, nous avons pliĂ© bagages et sommes repartis vers Sibiu, oĂč l’avenir paraĂźssait plus prometteux. Les paysages qui se suivaient devenaient de plus en plus variĂ©s, ainsi que le ciel... A tel degrĂ© qu’aprĂšs un certain temps le plaisir du tourisme s’est trouvĂ© remplacĂ© par notre seule prĂ©occupation qui Ă©tait de prĂ©voir la façon idĂ©ale pour contourner l’orage. Les optimistes, ayant jugĂ© suffisant pour cette Ă©tape d’à peine 40 minutes la quantitĂ© du carburant restant dans leurs rĂ©servoirs aprĂšs la matinĂ©e, ont commencĂ© Ă  douter. Et oui, malgrĂ© toutes les thĂ©ories bien sages concernant les mĂ©thodes de calcul du carburant Ă  emporter, encore une fois la vie nous a prouvĂ© que le seul moyen fiable Ă©tait d’avoir un rĂ©servoir plein Ă  craquer. Effectivement, l’orage nous guettait au-dessus de Sibiu. Mais tout est bien qui finit bien, nous avons rĂ©ussi Ă  attĂ©rir sous la flotte, accompagnĂ©e cette fois-ci de relativement peu de vent.

Le Cunimb disparu, les vols ont repris de plus belle, jusqu’à la tombĂ©e de la nuit, que nous avons passĂ© les « riches » Ă  l’hĂŽtel, les « pauvres » dans le hangar ou dans la salle de classe. Le matin, nous nous sommes levĂ©s de bonne heure pour attaquer la vallĂ©e de la riviĂšre Olt sous un vent de Nord fort et rafaleux. Les pilotes des Alpes bien expĂ©rimentĂ©s nous ont rassurĂ©s : ils ont jurĂ© que par pareil temps, ils n’enverraient personne au dessus de la montagne, mĂȘme pas leur belle-mĂšre. Les cumulus fleurissaient en toute beautĂ© et au dessus des cimes nous avions droit Ă  des spectaculaires lenticulaires. Pour couronner le tout, Bruno nous annoncait, qu’à notre destination, Ă  Ploiesti il pleuvait des cordes. Tout le monde Ă©tait rongĂ© par le doute. Nous savions, que pendant au moins une heure de vol, nous serions dĂ©pendents de nos moulins. Dans la vallĂ©e, pas de vache possible en cas de panne. Ceux qui disposaient de parachute de secours avaient au moins une chance, mais le destin au moins des machines Ă©tait certain en cas de dĂ©faillance moteur. Ce qui me prĂ©occupait, c’était le givrage du carbu. L’écart entre la tempĂ©rature de l’air ambiant qui nous attendait Ă  2000 m et la tempĂ©rature du point de rosĂ©e Ă©tait de l’ordre de 2-3 degrĂ©s, juste ce qu’il faut pour un bon givrage comme on aimerait voir moins souvent. Le ique c’était que mon splendide 912 flambant neuf n’était pas Ă©quipĂ© de chauffage carbu. J’ai trouvĂ© qu’il Ă©tait dĂ©jĂ  suffisamment sophistiquĂ©, je n’avais pas envie de le transformer encore plus en usine Ă  gaz. Erreur... Seul remĂšde, j’ai chargĂ© dans mon chariot une bonne bouteille d’eau de vie de prunes, du Slibovita, pour le verser sur le filtre Ă  air, dans l’espoir d’un dĂ©givrage maison. J’ai mĂȘme essayĂ© les gestes, pour ĂȘtre entraĂźnĂ© si le moment arrive. Vers 11 heures, coup de fil de Bruno : le col est dĂ©gagĂ©, Pitesti reçoit, tout le monde en l’air en 30 minutes. Moins de 20 minutes plus tard, nous Ă©tions tous en train de gagner de l’altitude vers 2000 mĂštres. Dix minutes plus tard, j’étais dĂ©jĂ  sur le chemin du retour. Évidemment, vers 1400 mĂštres mon Rotax s’est mis Ă  tousser, perdre les tours, se gigoter dans tous les sens, en un mot : givrer. Givrer Ă  4800 tours, c’est quand mĂȘme inoui, me suis’je dit, mais le destin c’est le destin
 Pendant un moment, j’ai tentĂ© de gaver le filtre Ă  air de slibovita, sans effet quelconque. J’ai rĂ©ussi Ă  regagner l’aĂ©roport, et continuĂ© Ă  faire tourner le moteur sur terre, pour faire fondre la glace. Les pilotes locaux m’ont passĂ© le tuyeau comme quoi il suffisait de monter Ă  800 mĂštres pour traverser la vallĂ©e si on avait les couilles pour passer en frĂŽlant les rochers. Je m’y prĂ©parais avec une douce rĂ©signation. S’il faut se scratcher contre les parois des Carpates, tant pis. Comme le disait NapolĂ©on : Quand le temps est venu, le moment est arrivĂ©. Mais comme le moteur ne voulait toujours pas se remettre Ă  tourner rond, j’ai fini par appeler le grand gourou des Rotax, Pierre Pouchez, qui fonctionnait comme le Saint-Bernard des cas perdus. Il a Ă©coutĂ© par tĂ©lĂ©phone le bruit de mon moteur pour diagnostiquer. Une demie-heure aprĂšs il s’est apparu avec son « ambulance », une Mercedes Vito chargĂ©e d’une remorque. Il a mis 5 minutes Ă  reserrer l’écrou de fixation de l’aiguille tombĂ©e dans la cuve du carburateur gauche, Ă  synchroniser les carburateurs et Ă  rĂ©gler le moteur, au semple ouĂŻe et odorat des gaz d’échappement, puis il m’a fait gentiment partir pour Pitesti pour rattraper les autres. J’ai attĂ©ri deux heures et 10 minutes plus tard Ă  Ploiesti, aprĂšs avoir reçu le message par SMS comme quoi ils Ă©tait dĂ©jĂ  repartis de Pitesti. J’ai fait les derniers 50 kilomĂštres sous une pluie battante, en zigzaguant entre les puits de pĂ©trole. En arrivant, nous avons fini la bouteille d’eau de vie, et nous avons constatĂ© avec satisfaction que nous avons tous survĂ©cu la plus grande aventure de notre vie.

Sous les tentes amĂ©nagĂ©es en bordure du terrain d’aviation, le mĂȘme que les alemands ont utilisĂ© pour y loger des centaines de Messerschmitt et de Focke Wulf pendant la deuxiĂšme guerre mondiale, nous nous sommes gavĂ©s comme jamais. L’adrĂ©naline, of course. Bien mangĂ©, bien bu, le beau temps aprĂšs la pluie, les pilotes locaux ont sorti trois Extra 300 pour nous Ă©merveiller par un spectacle de voltige. HabituĂ©s Ă  voir PĂ©ter Bessenyei, le champion hongrois dans ce genre, nous les avons quand mĂȘme honorĂ©s d’un sourire bienveillant et encouragant. Plus tard, leur chef nous s’est plaint du prix de misĂšre que ses gars avaient reçu pour leurs efforts. Je ne voulais pas le dĂ©cevoir en lui dĂ©voilant qu’à « l’Ouest dĂ©veloppĂ© » les pilotes doivent mĂȘme payer si l’envie subite de voltiger les prend. Le soir, une fĂȘte d’enfer nous attendait, avec musique et danse jusqu’au petit matin. Les musiciens tziganes Ă©taient excellents, le contrebassiste grattait et faisait tourner son istrument comme Willie Dixon au meilleur de sa forme. Notre musicien des alpages a squattĂ© le piano pour un moment, tout le monde Ă©tait ravi d’entendre des chansons françaises, y compris les locaux. Au rĂ©veil, pas de gueule de bois, ce qui prouve que mĂȘme derriĂšre les Carpates, les gens savent fabriquer du vin (mĂȘme) Ă  partir du raisin.

Bien que l’étape Ploiesti-Calarasi ait Ă©tĂ© plate, le vol au niveau des pĂąquerettes presque obligatoire a rĂ©compensĂ© l’absence de relief. Nous avons attendu Ă  voir de la pauvretĂ© et de la saletĂ©, mais au milieu des bidonvilles se dressent depuis peu de plus en plus de forteresses de luxe avec piscine et piste d’atterrissage pour hĂ©lico. Sur les routes qui n’ont jamais vu de goudron les charettes s’enfoncent jusqu’à l’essieu, mais dans les jardins des riches nous avons vu des Mercedes et des Ferrari.

Calarasi est vraiment au bout du monde. J’ai eu l’impression qu’en continuant sur 210°, on commencerait Ă  revenir par l’autre cĂŽtĂ©. Des vrais baroudeurs, comme Andor KĂĄntĂĄs, qui ont rĂ©ellement Ă©tĂ© de l’autre cĂŽtĂ© de la terre vont rire en lisant ces lignes, mais je pense qu’ils me comprendront en voyant cette photo.
Nous avons quitté ce monument de la déchéance pour suivre le Danube vers Tulcea

De l’autre cĂŽtĂ© de la crĂȘte, c’était le grand beau temps. On aurait mĂȘme pas pu imaginer mĂ©taphore aussi forte pour montrer la diffĂ©rence entre la Transsylvanie et la Moldavie. Pendant des longues minutes j’ai attendu les autres arriver de ce cĂŽtĂ©-ci. Ils surgissaient d’en dessous du nuage un par un, cela devait ĂȘtre la dĂ©livrance pour eux. Les prendre en photo Ă  ce moment-lĂ  m’a procurĂ© un immense plaisir. Finalement, ils ont tous rĂ©ussi, sauf



., un transporteur belge, qui a jugĂ© plus sĂ»r de faire demi-tour. Personne ne l’a critiquĂ© pour sa dĂ©cision. Le lendemain matin il a pu nous rejoindre Ă  Brasov.
J’ai mitraillĂ© les miraculĂ©s de la montagne, jusqu’à ce que mon wingman BalĂĄzs arrive. Il n’a pas pris de risque, il a traversĂ© Ă  3500 m QNH, bien au dessus de la couche. EuphorisĂ©s par la traversĂ©e, nous avons pris la dĂ©cision de faire un petit dĂ©tour, pour visiter le lac Sainte Anne, en pleine territoire sicule. L’escapade d’une heure au dessus des paysages ou vit encore aujourd’hui une minoritĂ© hongroise, Ă©tait un accomplissement pour moi. Pas seulement pour la beautĂ© des monts et vallĂ©es, pour le charme des villages, mais surtout pour la raison subjective, que j’ai vadrouillĂ© pendant des mois au cours de ma jeunesse dans ces endroits-la, j’ai regardĂ© les aigles et j’essayais de deviner ce qu’ils pouvaient avoir comme perspective de la haut. LĂ , j’ai pu me rendre compte que le paysage Ă©tait encore plus majestueux que ce que je me suis imaginĂ© Ă  l’époque. Le fait que nous soyons les premiers Ă  nous rendre compte de cela, et du point de vue d’un pendulaire, aĂ©ronef qui permet d’ĂȘtre en contact vraiment intime avec l’environnement, n’a fait qu’intensifier notre extase. Quand je me suis posĂ© sur le petit terrain de Brasov, j’étais comme un droguĂ©, qui vient d’avoir sa dose. Moi, j’ai eu la dose pour une vie ce jour-lĂĄ.

Ce soir-lĂ , c’était la grand fĂȘte Ă  chier partout dans la cave de la pension des riches. J’oserais dire, c’était plus qu’une bringue, c’était un rituel d’initiation. Le vin rouge coulait Ă  flot, nous pataugaions dedans, comme dans le sang Ă  l’abattoir. Au pays de Dracula, c’était symbolique.
Je me permets un petit détour sur ce point.
Le personnage de Dracula, et du vampire en gĂ©nĂ©ral est assez mal connu. En Transsylvanie, ou au cours de l’histoire trois rĂ©ligions se sont empressĂ©es Ă  interdire tout ce qui Ă©tait proche de la libertĂ© personnelle, les gens ont inventĂ© un personnage, qui symbolisait la libertĂ© absolue. Ce personnage Ă©tait forcĂ©ment immortel, noble, un rien pervert, sexuellement dĂ©viant, et surtout, il avait la capacitĂ© de voler. Et c’est lĂ  oĂč cela devient touchant: dans les annĂ©es 1500, un roumain qui volait en VFR de nuit, (hĂ©las seulement de nuit), cela relĂšgue Lilienthal ou les frĂšres Wright au rang des imposteurs. Sans instrumentation, avec une seule cape comme voilure, l’ancĂȘtre voir l’archetype de tous les ULMistes est sans nul doute le vampire. Voila pourquoi ce pĂ©lerinage en Transsylvanie est avant tout: un retour aux sources.

Le matin, c’était un ciel de traĂźne, visibilitĂ© de plusieurs centaines de km et Ă©videmment, un vent d’est d’une rare brutalitĂ©. Cela tombait mal, car nous devions voler dans les rouleaux des montagnes de plus de 2300 m pour aller jeter un coup d’oeuil sur le chĂąteau de Bran, dernier domicile connu du sublime comte. J’ai pris quelques photos, mais l’esprit du grand maĂźtre ne devait pas aimer cela, car mĂȘme l’Ixess, rĂ©putĂ© trĂ©s stable et coopĂ©ratif dans la turbulence, avait tendance Ă  vouloir passer sous le chariot.

AprĂ©s le chĂąteau, nous avons soigneusement contournĂ© la zone de la base militaire de Brasov Ghimbav et nous nous sommes laissĂ©s pousser par le vent. Des vitesses de 170 km/h au GPS ne nous impressionnaient plus. Nous avons grimpĂ© Ă  2000 m pour voir toute la chaĂźne des Carpates de l’intĂ©rieur, c’était grandiose. J’ai compris, pourquoi nos ancĂȘtres appellaient ce pays: „TĂŒndĂ©rkert”, le jardin de fĂ©es. ArrivĂ©s au dessus de Sighisoara, autre ville saxonne plus ou moins dĂ©sertĂ©e par la minoritĂ© allemande dans les annĂ©es 70, nous sommes redescendus pour immortaliser le chĂąteau et la ville historique l’entourant.

20 minutes plus tard, c’était l’arrivĂ©e Ă  Targu Mures, ma ville natale. Je vous Ă©pargne de mes Ă©motions. Le magnifique terrain en herbe oĂč l’activitĂ© planeur est en pleine effervescence encore aujourd’hui est vouĂ© a disparaĂźtre sous peu. Une zone industrielle grandira Ă  sa place, la logique implaçable du capitalisme prendra le dessus dans quelque mois. C’est la raison pour laquelle nos amis pilotes roumains tenaient absolument Ă  ce qu’il y ait une manifestation, que nous attirions l’attention des gens avec notre passage. Le vent nous a empĂȘchĂ©s de faire le max, quelque baptĂȘmes ont pu quand mĂȘme Ă©gayer la situation. Ma famille et des amis sont venus nous rencontrer au terrain, j’avais envie de les emmener tous faire un tour au dessus de la ville, mais j’ai osĂ© bĂąptiser que les plus hardis, qui ne risquaient pas de rester traumatisĂ©s par les figures de rock and roll acrobatique que les rafales de vent m’obligaient Ă  faire.

Le trajet Targu Mures – Cluj Ă©tait rapide au dessus des dunes vertes de la rĂ©gion appellĂ©e „campie”, c’est Ă  dire le prĂ©s. On dirait le Sahara, mais couverte de pĂąturages. L’aĂ©rodrome de Cluj Someseni se trouve juste Ă  cĂŽte de l’aĂ©roport international, seuls la route nationale et le chemin de fer les sĂ©parent. Bruno craignait fort qu’un de nous se pose sur la piste en dure, c’est Ă  dire le RW, mais finalement tout c’est bien passĂ©. Certes, en arrivant, sur la frĂ©quence de la tour il a fallu attendre que les cochers des liners arrĂȘtent de jacasser, afin de pouvoir placer notre message. Le controleur de la tour semblait blasĂ©, comme si c’était leur pain quotidien de faire atterir des pendulaires entre deux B737 ou autres ATR42. Ils nous ont simplement recommandĂ© la piste en herbe. Nous savions, que au bout du terrain se trouvait la pension des riches, mais la veille Bruno nous a menacĂ© d’amendes de 5 euros pour le cas oĂč nous irions en pendulaire. A ma grande surprise, dĂšs que mes roues ont touchĂ© le sol, Bruno m’a invitĂ© sur la frĂ©quence de la tour de taxier directement au parking de la pension. Je craignais une provoc, mais j’ai executĂ©. Une immense table nous attendait sur le gazon devant la pension, croulant sous tout ce qui se fait de mieux en terme de dĂ©lices en Roumanie. On aurait pu se restaurer Ă©tant assis dans nos pendulaires.

Il n’y a pas eu d’amende, Bruno a toujour eu le sens de l’humour et de l’autodĂ©rision. Un soir, au moment des dĂ©nonciations, nous avons mĂȘme votĂ© une amende pour




, pour la bonne et simple raison qu’il ne faisait jamais de conneries. Établir des lois pour les transgresser de temps en temps, y a t’il de plus humain?
Ce soir-lĂ , un match de foot devait avoir lieu sur le gazon du terrain d’aviation, les riches contre les pauvres. MalgrĂ© les Ă©motions de la journĂ©e et le vin rouge dĂ©gustĂ© sous le soleil de plomb, on se prĂ©parait avec une motivation certaine. Les pilotes roumains ont eu vent de l’évĂ©nement sportif et ils ont voulu faire partie de cette farce, Ă©videmment. On ne sait pas trop, comment, ils ont appris, qu’il s’agissait d’un match entre riches et pauvres. Il va de soi qu’ils ont compris que nous autres riches les avons dĂ©signĂ©s comme pauvres. Ils se sont retirĂ©s fĂąchĂ©s, le match a Ă©tĂ© annulĂ©. Cela m’a pris plusieurs heures et plusieurs bouteilles d’eau de vie de prune pour expliquer la situation rĂ©elle et faire admettre, que les pauvres Ă©taient parmi nous, d’autant plus, que tous les pilotes roumains avaient le droit tous les soirs Ă  des couchage en lits (dans les dortoirs des aĂ©roclubs visitĂ©s), tandis que nous autres francais Ă©tions heureux de pouvoir dormir Ă  meme le sol des hangars par moment, et comble, les pilotes roumains Ă©taient payĂ©s pour les heures de vol accomplis lors du raid.
Le briefing fut court, le repas bien arrosĂ©. Je me souviens vaguement d’une bataille de boulettes de pain et de papier distribuĂ©s par l’organisation. Avant de sombrer dans l’infantilisme, j’ai sombrĂ© dans le sommeil.
Je tiens Ă  demander des excuses Ă  mes camarades du raid pour les fois oĂč je me suis assoupi Ă  table. L’intensitĂ© des Ă©motions durant la journĂ©e ajoutĂ©e Ă  la nourriture copieuse et Ă  la force des vins roumains m’ont souvent disjonctĂ©, mais comme l’ambiance Ă©tait toujours dĂ©tendue et joviale, cela ne m’a jamais vraiment gĂȘnĂ©.

Le dernier jour nous a encore gratifiĂ©s de paysages somptueuses. AprĂ©s le contournement de Cluj, nous avons fait un petit tour au dessus du lac artificiel de Tarnita, puis nous avons suivi la riviĂšre Cris, descendant parfois au fond du canyon par lequel ce ruisseau traverse les Carpates occidentaux. Nous avons immortalisĂ© les chateaux en construction perpĂ©tuelle des gitans Ă  Huedin et nous avons visitĂ© quelques villages dans les vallĂ©es de la rĂ©gion appellĂ© Kalotaszeg. AprĂšs le Col du Roy, nous avons aperçu une demi-douzaine de pendulaires posĂ©s sur un champ assez peu frĂ©quentable, j’ai mĂȘme cru Ă  une vache ou encore pire. En rĂ©alitĂ©, c’étaient nos auvergnats, qui ont pris l’habitude de se poser systĂ©matiquement entre deux aĂ©rodromes en pleine nature, pour manger le fromage, comme ils le disaient. C’est cela, la libertĂ© du pendulaire.
Nous avons fait du radada au dessus des digues des lacs artificiels avant d’arriver à Oradea.
Pique-nique, petite fĂȘte aĂ©rienne improvisĂ©e par Renaud Guy et Erick Lejeune, et c’était dĂ©ja la derniĂšre Ă©tape pour rejoindre Arad. Comme je le disais plus haut, lors de cette Ă©tape, nous avons nous mĂȘmes rarement volĂ© au dessus de 20 m. C’est fou, comment un paysage Ă  priori banal peut devenir excitant, quant on le gratte de prĂšs.

ArrivĂ©s Ă  Arad, les machines ont Ă©tĂ© dĂ©montĂ©es et chargĂ©es sur des remorques Ă  une vitesse inouĂŻe. C’est vrai que l’orage du jour Ă©tait sur le point d’éclater. Les Ă©quipages qui rentraient en vol ont pu profiter des charmes d’une employĂ©e de l’aĂ©roport aux formes avantageuses et douĂ©e d’un sens de l’humour typiquement roumain pour dĂ©poser le plan de vol pour le lendemain. Cela a pris des heures, mais il n’y a pas eu de regret.

Le soir, c’était l’hĂŽtel de luxe pour tout le monde. La soirĂ©e d’adieu Ă©tait certainement Ă  la hauteur de la semaine. Dommage que j’étais Ă  moitiĂ© dans le coltard.
Le lendemain Ă  8 h 10 nous roues quittaient le bitume de l’aĂ©roport d’Arad pour un vol sous la pluie et sous un plafond de moins de 100 m jusqu’à Szeged. AprĂšs, c’était plus serein, avec un rien de vent de face, et des cumulus qui bourgonnaient tout autour. A 12h05 heure locale, nous nous sommes posĂ©s sur le splendide petit terrain de Farkashegy, Le Mont Aux Loups, Ă  un jet de pierre de Budapest.
Moins d’une demi-heure plus tard, l’orage battait son plein.

Une chose est sure:
DorĂ©navant nous pouvons parler de notre vie d’avant et d’aprĂšs le tour des Carpates.



 
Belépés
   

Kapcsolódó linkek
   

Hír értékelése
   

Parancsok
   

Kapcsolódó rovatok

Motoros sĂĄrkĂĄny

TartalomkezelĂ” rendszer: © 2004 PHP-Nuke. Minden jog fenntartva. A PHP-Nuke szabad szoftver, amelyre a GNU/GPL licensz Ă©rvĂ©nyes.
Oldalkészítés: 0.27 másodperc