Ca peut paraĂźtre banal, mais dĂ©couvrir du haut des paysages lointains est toujours un dĂ©fi. Câest dans cet esprit que jâai commencĂ© Ă Ă©laborer mon projet: voyage en paramoteur de lâAllemagne â plus prĂ©cisĂ©ment de chez Fresh Breeze Ă Hannovre â en Roumanie, jusquâau bord de la mer Noire.
Ce pays de lâEurope de lâEst reste toujours considĂ©rĂ© quelque part « exotique » par des allemands. Nous avons essayĂ© de confĂ©rer Ă ce voyage un caractĂšre « humanitaire », et comme lâitinĂ©raire traversait des pays candidats ou rĂ©cemment adhĂ©rĂ©s Ă lâUE, nous avons rĂ©ussi Ă attirer lâattention de la « grande politique » pour un moment. Jâai rĂ©ussi Ă dĂ©baucher deux amis pilotes dans le projet baptisĂ© « East Wind ». Le film tournĂ© pendant le voyage est en mĂȘme temps mon mĂ©moire de maĂźtrise.Le vĂ©hicule
Nous avons choisi le Flyke de Fresh Breeze pour sa flexibilitĂ© et mobilitĂ©; câest un paramoteur Ă chariot, mais peur ĂȘtre aussi considĂ©rĂ© comme un vĂ©lo volant â donc un moyen de transport terrestre et aĂ©rien Ă la fois. (En dĂ©collant Ă pied, on aurait eu des difficultĂ©s mĂȘme pour rejoindre la station service la plus proche). Le Flyke appartient dâailleurs Ă la catĂ©gorie UL, sa masse Ă vide est de 55 kg, distance de dĂ©collage 50 mĂštres, consommation 6,5 l/h, ce qui assure une autonomie de 90â100 kilomĂštres sans rĂ©servoir auxiliaire. Sa vitesse de croisiĂšre est de 50 km/h, en fonction de la direction et de lâintensitĂ© du vent. On a prĂ©vu une vitesse moyenne de 40 km/h, donc 200 km par jour â avec un peu de marge, nous avons comptĂ© sur 14 jours de voyage. La capacitĂ© de stockage Ă©tant limitĂ©e, nous nâavons pris que lâĂ©quipement de survie, câest Ă dire des tentes, plus quelques accessoires indispensables, ainsi que camĂ©ra, appareil photo, batterie de 12 V, radio, instruments de navigation et parachute de secours.
LâĂ©quipe
Le premier que jâai rĂ©ussi Ă convaincre Ă©tait Erik Behr, aviateur depuis 12 ans, pilote paramoteur depuis 4 ans, et pilote sur des vols charter de la compagnie Condor dans le civil. Michael Werner, le gĂ©rant de Fresh Breeze et le crĂ©ateur du Flyke sâest aussi joint Ă nous, ce qui semblait trĂšs avantageux du point de vue des Ă©ventuels problĂšmes techniques. En ce qui me concerne, je vole aussi depuis 12 ans et depuis 4 ans en paramoteur â jâai essayĂ© de jouer le rĂŽle du « chef de la formation » pendant notre voyage.
Les prĂ©paratifsEntretemps nous avons obtenu les autorisations, nous nous sommes renseignĂ©s sur les rĂšgles de vol locales, et avons contactĂ© des pilotes dans les pays concernĂ©s. Nous nâavons pas Ă©laborĂ© lâitinĂ©raire en dĂ©tail, on « sâest rĂ©servĂ© le droit de changement du programme » pour ĂȘtre plus libres. Les moteurs ont Ă©tĂ© vĂ©rifiĂ©s et prĂ©parĂ©s au grand voyage dans lâusine. Chaque machine a Ă©tĂ© Ă©quipĂ©e dâun rĂ©servoir supplĂ©mentaire de 5 litres, ce qui a augmentĂ© notre autonomie dâenviron 40 minutes. Nous avons expĂ©rimentalement trouvĂ© lâemplacement idĂ©al des bagages â câest trĂšs important, puisque la rĂ©partition de la charge influence beaucoup les caractĂ©ristiques en vol du Flyke, surtout en termes de dĂ©collage et de taux de montĂ©e.
Premier jour â1632 kilomĂštres Ă faire
Il y a commencement Ă tout⊠La mĂ©tĂ©o a enfin Ă©tĂ© clĂ©mente â aprĂšs des semaines de pluies diluviennes. Jâai dĂ©collĂ© en premier, pour pouvoir filmer les moments forts du scĂ©nario. Erik â qui nâa volĂ© jusquâici que sans bagages et ne prĂ©voyait donc pas le rallongement de la distance du dĂ©collage â a interrompu le dĂ©collage trop tard, Ă lâeffroi gĂ©nĂ©ral, heureusement il a rĂ©ussi Ă sâarrĂȘter quelques mĂštres devant le bĂątiment. Il est sorti indemne de sa machine, mais cette derniĂšre nâa pas eu autant de chance (et mĂȘme la voile sâest accrochĂ©e Ă la gouttiĂšre). Encore heureux que tout ça se soit produit chez le fabricant: en trois heures, la machine a Ă©tĂ© rĂ©parĂ©e et on pouvait repartir avec une nouvelle hĂ©lice.
Les travaux terminĂ©s, un CB est apparu sur lâhorizon â nous avons prĂ©fĂ©rĂ© le transport en deux dimensions. AprĂšs avoir roulĂ© vingt kilomĂštres, nous avons passĂ© la nuit dans un camping.
DeuxiĂšme jour â1602 kilomĂštres Ă faire
Comme la mĂ©tĂ©o nous a rendus optimistes, on a dĂ©cidĂ© de dĂ©coller Ă partir du terrain voisin des modĂ©listes. Erik qui se stressait toujours Ă cause de son aventure du jour dâavant, a doublĂ© son start - le vent latĂ©ral nâĂ©tait pas dâaide. Enfin tous les trois dans lâair, nous avons pris la piste Ă 120 degrĂšs. Nous nous sommes arrĂȘtĂ©s pour faire le plein à « la frontiĂšre » allemande-allemande, sur une terrain de la taille dâun mouchoir. A lâOuest, un orage gĂ©ant se prĂ©parait, et comme on nâavait pas envie dây passer la nuit, nous nous sommes sauvĂ©s en catastrophe. DerriĂšre nous, le nuage grossissait et sâobscurcissait... alors on prĂ©fĂ©rait de ne pas regarder derriĂšre. Nous avons atterri au bord dâun lac â et les Ă©lĂ©ments se sont dĂ©chaĂźnĂ©s, le lac est devenu une mer houleuse. Nous nous sommes rĂ©fugiĂ©s dans un resto.
TroisiĂšme jour - 1422 kilomĂštres Ă faire
Le lendemain, le temps sâest adouci, nous avons dĂ©collĂ© sur le champ Ă cĂŽtĂ© du lac aprĂšs sâĂȘtre approvisionnĂ©s en carburant. Câest peut-ĂȘtre cette Ă©tape qui reste le plus profondĂ©ment gravĂ©e dans notre mĂ©moire. MontĂ©s Ă 1500 mĂštres dans le vent dâouest intense, nous avons mis deux heures Ă 100 km/h jusquâĂ Senftenberg, oĂč nous nous sommes posĂ©s pour rĂ©parer la radio de Michael. Le soir, comme il nây avait pas un seul nuage sur le ciel, nous avons continuĂ© jusquâĂ Görlitz, Ă cĂŽtĂ© de la frontiĂšre polonaise. Nous nâavons trouvĂ© personne Ă lâaĂ©roport, nous avons donc montĂ© les tentes et roulĂ© en ville.
QuatriĂšme jour â1236 kilomĂštres Ă faire
Le matin, la voix sonore du chef de lâaĂ©roport nous a rĂ©veillĂ©s: on a compris dâavoir provoquĂ© sa colĂšre en atterrissant la veille Ă 19 heures 45, donc aprĂšs la fin des vols â mais bien sĂ»r avant la tombĂ©e de la nuit.
Nous avons traversĂ© la frontiĂšre sans problĂšme â et en Pologne, nous avons enfin pu lĂ©galement dĂ©marrer les moteurs. (En Allemagne, câest interdit, mais dans les autres pays traversĂ©s, ce nâest pas rĂ©glementĂ©. Il est vrai que les voitures sont contraintes Ă ralentir et nous doubler, 45 km/h est la vitesse maxi du Flyke en sĂ©curitĂ©.) Nous avons passĂ© la journĂ©e et la nuit dans un camping au bord du lac avec quelques vols locaux au-dessus du champ Ă cĂŽtĂ©, et avons rempli les rĂ©servoirs.
CinquiĂšme jour - 1198 kilomĂštres Ă faire
De nouveau, nous pouvions compter sur le vent dâouest. A cĂŽtĂ© de la pompe Ă essence, nous avons trouvĂ© un terrain acceptable, et dĂ©collĂ© avec plus au moins de difficultĂ©s. On volait parmi des montagnes de 600 mĂštres de haut en direction de la frontiĂšre polonaise-tchĂšque â un arrĂȘt moteur aurait Ă©tĂ© assez pĂ©nible. Nous avons trouvĂ© le terrain dâatterrissage, nous nous sommes posĂ©s, nous sommes partis vers la vallĂ©e â et nous avons Ă©tĂ© dĂ©sagrĂ©ablement surpris. Normalement, on sâattendait Ă trouver le lac, la route et surtout la pompe Ă essence repĂ©rĂ©s sur la carte. Rien de tout cela. Comme on sâest rendu compte, nous nous sommes trompĂ©s sur lâitinĂ©raire en se concentrant trop sur le vol. La prochaine pompe Ă essence Ă©tait Ă 30 kilomĂštres...
Le dĂ©collage suivant reprĂ©sentait un dĂ©fi surtout pour Erik et moi, comme on avait la majeure partie des bagages. Nous avons accĂ©lĂ©rĂ© Ă plein gaz pour pouvoir sâĂ©lever dans lâair avant dâarriver sur la route ⊠Il faisait presque nuit quand nous sommes arrivĂ©s Ă Nysa.
SixiĂšme jour - 1044 kilomĂštres Ă faire
Le matin je me suis aperçu de lâabsence de mon appareil photo⊠Quelquâun a dĂ» me lâa piquer la veille, dans le restaurant. Le seul tĂ©moin possible Ă©tait Ă sa vitesse de croisiĂšre, complĂštement bourrĂ© dĂ©jĂ le matin. Direction Opole donc, Ă 60 kilomĂštres, et son MediaMarkt. Cependant, Michael devait rentrer, ils avaient besoin de lui pour le dĂ©veloppement de la âvoiture volanteâ.
Pendant quâErik et moi, on arrivait Ă Opole, Michael a vĂ©cu une aventure dâhorreur. Ils se trouvait trop proche dâun CB, qui commençait Ă lâaspirer. Le Flyke montait Ă 20 m/s, puis la turbulence lâa fait tourner autour de son axe. Il a rĂ©ussi Ă se poser, mais le vent sâest accrochĂ© Ă la voile et lâa trimballĂ© en arriĂšre sur 100 mĂštres. Michael en est sorti indemne, le Flyke avec un train abĂźmĂ©. Le hasard ou la fatalitĂ©, qui sait, mais le beau-frĂšre du fermier qui a ramassĂ© Michael partait justement pour Hannovre deux heures aprĂšs, et dans sa voiture il avait de la place pour les deux passagers clandestins â Michael et le Flyke.
Pendant que je passais du temps dans le magasin, Erik a rĂ©ussi Ă nous trouver un toit pour la nuit. Notre hĂŽte â pas tout Ă fait sobre â nous a gavĂ©s dâhistoires peu crĂ©dibles, il a jurĂ© par exemple quâune nuit, des inconnus ont dĂ©montĂ© et emportĂ© un pont entier prĂšs de chez lui.
Vers Katowice, le brouillard nous a bien embĂȘtĂ©s, de plus en plus il ne restait que le GPS pour nous orienter. Quand le brouillard est descendu sur les arbres, nous nous sommes posĂ©s Ă cĂŽtĂ© dâun monastĂšre, et avons attendu que ça se disperse un peu. Dans le temps brumeux, Katowice avec ses cheminĂ©es et ses bĂątiments industriels semblait une ville fantĂŽme. Nous avons rempli les rĂ©servoirs dans le village de Kety, puis dĂ©collĂ© dâun petit terrain de modĂ©lisme. Lâune de mes suspentes sâest accrochĂ©e Ă la manche Ă air, mais comme jâavais des rĂ©serves, jâai pu remĂ©dier au problĂšme avec quelques noeuds. Direction lâaĂ©roport de Nowy Trag en TchĂ©quie, Ă 650 mĂštres dâaltitude. La couche de brume sâamincissait, nous sommes bien arrivĂ©s. Nos hĂŽtes Ă©taient des gens bien sympathiques, la belle maĂźtresse de la maison parlait couramment lâanglais aprĂšs cinq biĂšres. De Nowy Trag, nous avons continuĂ© notre chemin sur la route jusquâĂ la frontiĂšre tchĂšque-slovaque â et pour la premiĂšre fois, nous avons eu un incident critique par terre: lâun des pneus dâErik a crevĂ©, le Flyke sâest brusquement retournĂ© et devenu indirigeable. On a eu le bol, un amas de terre lâa arrĂȘtĂ©...
AprĂšs la frontiĂšre, on a trouvĂ© un terrain pour dĂ©coller. La mĂ©tĂ©o instable devenait de plus en plus favorable. On a survolĂ© de magnifiques paysages, et quand nous avons rencontrĂ© deux parapentes, nous avons repris les gaz par solidaritĂ©. Comme on devait traverser un espace contrĂŽlĂ©, Erik sâest annoncĂ© Ă la tour de Presov comme un pro. Bien quâon ait reçu lâautorisation dâatterrir sur un aĂ©roport militaire pour faire le plein, lâaccueil quâils rĂ©servaient aux « pilotes de dimanche » Ă©tait peu enthousiaste. MĂȘme la compĂ©tence de lâopĂ©rateur de la tour a Ă©tĂ© mise en questionâŠ
Dans les conditions thermiques-turbulentes, gĂ©nĂ©rĂ©es par le soleil tapant, nous avons prĂ©fĂ©rĂ© le dĂ©jeuner au vol. Nous avons comptĂ© Ă atteindre la frontiĂšre slovaque-hongroise avec le vent arriĂšre, mĂȘme en partant dans lâaprĂšs-midi. Le vent dâouest sâest intensifiĂ© plus que prĂ©vu, notre vitesse moyenne Ă©tait de 105 km/h. Nous avons atterri en Slovaquie, et traversĂ© la frontiĂšre sur les roues ; nous sommes arrivĂ©s Ă lâaĂ©roport de SĂĄrospatak, oĂč notre contact hongrois nous avait dĂ©jĂ rĂ©servĂ© un hĂ©bergement.
NeuviĂšme jour - 722 kilomĂštres Ă faire
Le lendemain, le vent soufflait de plus belle. Pas question de voler â mais de petit dĂ©jeuner non plus, puisquâil nây avait pas un seul resto ouvert Ă SĂĄrospatak. Nous avons roulĂ© environ 30 kilomĂštres, puis une baignade dans la riviĂšre, et lâaprĂšs-midi il semblait enfin possible de continuer le voyage dans lâair, jusquâĂ la frontiĂšre hongroise-roumaine. Pas de terrain de dĂ©collage acceptable, finalement nous avons Ă©tĂ© contraints Ă utiliser un champs du cĂŽtĂ© lee dâune allĂ©e. Le dĂ©co nâa rĂ©ussi Ă la cinquiĂšme reprise. Nous nous sommes posĂ©s Ă 10 kilomĂštres de la frontiĂšre. Pas de resto ici non plus, mais du bar, il y en avait. On a bu deux biĂšres, mĂȘme mangĂ© quelque chose, et ratĂ© un troc (un attelage dâĂąnes proposĂ© en Ă©change des Flyke). On a dormi Ă lâaĂ©roport.
DixiĂšme jour - 623 kilomĂštres Ă faireLe contrĂŽle Ă la frontiĂšre Ă©tait une simple formalitĂ©. Nous avons dĂ©collĂ© dâune piste de fortune, et avons atteint la ville de NagybĂĄnya dans un vent dâest dĂ©sagrĂ©able. On a rencontrĂ© notre ami parapentiste, Gheorghe Ă la pompe dâessence, qui auparavant nous a aidĂ©s Ă rĂ©gler les papiers. Gheorghe nous a accompagnĂ©s Ă lâaĂ©roport du club local, oĂč nous avons reçu un guide â comme on a pu constater plus tard, obsolĂšte. Au prix de pas mal dâefforts, on a quand mĂȘme rĂ©ussi Ă se connecter au web pour consulter la mĂ©tĂ©o. Elle pronostiquait des pluies sur plusieurs jours, ce qui nous a assez dĂ©moralisĂ©s.
OnziĂšme jour - 555 kilomĂštres Ă faire
Il faisait un calme plat, pas une goutte de pluie. Un seul obstacle au vol : le chef de lâaĂ©roport de NagybĂĄnya, un certain Mircea, qui nous nâa pas permis de dĂ©coller, en jugeant dangeureuses les conditions mĂ©tĂ©orologiques. Jâai enfin rĂ©ussi Ă le convaincre: si on Ă©tait tellement nuls, on nâaurait pas pu venir de Hannovre jusquâĂ chez lui... AprĂšs deux heures de vol, nous nous sommes posĂ©s Ă cĂŽtĂ© du village de Dej pour faire le plein, puis â comme la mĂ©tĂ©o nâĂ©tait pas trĂšs optimiste â sommes vite repartis pour MarosvĂĄsĂĄrhely. On voyait du haut des petits villages liĂ©s entrâeux par des chemins de terre, beaucoup de voitures Ă cheval... A court dâessence, nous avons atterri quelques kilomĂštres avant la ville.
DouziĂšme jour - 411 kilomĂštres Ă faire
Ciel couvert le matin, mais sâĂ©claircissant vers le Sud-Est. On sâest sauvĂ©s en direction de BrassĂł, en passant par SegesvĂĄr. A lâatterrissage Ă Rupea, on a vu le nuage devenu dâune taille critique, mais il ne pleuvait pas. Nous avons rejoint la ville â plus exactement un bar - par un chemin de terre. La serveuse parlait bien lâallemand, nous avons eu donc le droit Ă un panorama de la situation politique et sociale de la Roumanie.
TreiziĂšme jour - 337 kilomĂštres Ă faire
Du point de vue de la mĂ©tĂ©o, on avait de bonnes perspectives pour les 48 heures Ă venir. Un peu de problĂšme: Erik a trop tendu le courroie, et le filet du mĂ©canisme de tension sâest rompu. Heureusement, lâatelier Ă cĂŽtĂ© de lâaĂ©roport disposait de tous les outils nĂ©cessaires, nous avons donc rĂ©parĂ© la transmission de lâhĂ©lice en une heure et nous avons pu repartir. Au pieds des alpes Fogarasi une petit pause sâest imposĂ©e. Le temps sâamĂ©liorait en permanence, on ne voyait que quelques doux cumulus. En sâapprochant de lâaĂ©roport de BrassĂł, nous nous sommes annoncĂ©s sur la frĂ©quence prescrite â pas de rĂ©ponse. On nâen Ă©tait pas trĂšs surpris, comme il nây avait pas dâĂąme qui vit sur la piste en herbe.
Puis les Ă©vĂ©nements se sont succĂ©dĂ©s. « GrĂące » Ă la turbulence qui sâest gĂ©nĂ©rĂ©e derriĂšre lâallĂ©e, Erik sâest posĂ© assez brutalement, et par malheur sous les yeux du âMirceaâ local, qui a tout de suite rapportĂ© lâincident Ă Bucarest. Visiblement il Ă©tait trĂšs content : enfin il se passe quelque chose Ă son aĂ©roport ! Il nous a Ă©numĂ©rĂ© plusieurs circonstances aggravantes: notre guide datait dâil y a plus de 10 ans (on ne pouvait pas savoir); on aurait dĂ» sâannoncer Ă Bucarest avant chaque dĂ©collage (personne ne nous lâa dit); en outre, on nâa pas atterri sur la piste prĂ©vue Ă cet effet â sans doute, on nâen aurait Ă©tĂ© mĂȘme pas capables.
Les trois responsables de lâautoritĂ© sont arrivĂ©s sous peu, âMirceaâ, ravi, les a accompagnĂ©s Ă dĂ©jeuner. Nous avons profitĂ© de lâoccasion pour dĂ©bosseler sur la machine ce quâon a pu, mais on ne pouvait rien pour lâhĂ©lice cassĂ©e. LâautoritĂ© rassasiĂ©e a pu examiner le Flyke en Ă©tat de marche. Pour eux, ce nâĂ©tait pas un argument de poids, mais au moins on a pu continuer notre voyage.
LâhĂ©lice Ă quatre pales du Flyke se compose en fait de deux hĂ©lices Ă deux pales placĂ©es diagonalement lâune sur lâautre. Nous avons installĂ© lâune des deux sur la machine dâErik (il a bien sĂ»r dĂ©jĂ commandĂ© les nouvelles hĂ©lices au fabricant), ainsi on pouvait au moins rouler. Nous nâavons pas osĂ© risquer le vol, les deux pales auraient Ă©tĂ© bien peu suffisantes pour la puissance du moteur Hirth. Chemin faisant, la nuit nous est tombĂ©e dessus, continuer dans le noir nous paraĂźssait une entreprise trop tĂ©mĂ©raire, nous avons donc prĂ©fĂ©rĂ© de passer la nuit dans un motel.
GrĂące Ă âMirceaâ, le lendemain matin Erik avait rendez-vous au ministĂšre de la circulation. Il a reçu un papier nous permettant de voler lĂ©galement. Le ministre est intervenu personnellement et nous a souhaitĂ© bon courage ! La compagnie Lufthansa nous a livrĂ© la nouvelle hĂ©lice. Nous lâavons montĂ©e Ă Ploiesti â Ă 50 kilomĂštres de Bucarest. Cependant, la mauvaise sĂ©rie a continuĂ© : le dĂ©marreur est tombĂ© en panne â un expert local a rĂ©solu le problĂšme sans accepter un sou. Puis le silent bloc sâest dĂ©chirĂ© de lâĂ©chappement sur le moteur dâErik, on avait donc droit Ă des effets sonores surprenants.
QuinziĂšme jour
Ciel bleu, vent dâOuest, nos machines plus au moins en Ă©tat de marche (vol)⊠Direction la Mecque des vacanciers roumains, la ville de Costinesti au bord de la mer Noire. En nous y approchant, le vent dâOuest dominant â lequel nous a permis de voler Ă 85 km/h â a rencontrĂ© le vent laminaire venant de la mer, nous avons dĂ» nous poser dans de fortes turbulences. Nous avons progressivement perdu de lâaltitude, puis les trains ont touchĂ© le sol. Jâai couru Ă la machine dâErik qui a atterri Ă 50 mĂštres de moi â les deux Ă©taient indemnes. Difficile de croire quâon Ă©tait enfin arrivĂ©s â ça y est, on sâest jetĂ©s dans les vagues Ă la fin du grand voyage.
Traduction: Mezei Katalin â KĂĄdĂĄr Andrea
Photos: lâauteur