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Andi Siebenhofer


Altitude, vitesse, raison: selon la sagesse populaire, il faut la prĂ©sence simultanĂ©e d’au moins deux Ă©lĂ©ments parmi ces trois Ă  ce qu’on ne termine pas son vol enfoncĂ© dans la terre. Le dĂ©tenteur de plusieurs records du monde, Andi Siebenhofer est de notoriĂ©tĂ© publique comme un preneur de risques exagĂ©rĂ©s, pourtant son passage Ă  Tokorcs a dĂ©menti ce prĂ©jugĂ©. D’aprĂšs ce qu’on a vu, Siebenhofer se dĂ©brouillerait mĂȘme sans altitude ou vitesse.

– Il y a quelques annĂ©es, tu es devenu connu par tes vols dans les montagnes de l’AmĂ©rique Latine

– Au PĂ©rou et au Venezuela je suis descendu en parapente d’un sommet de 5700 mĂštres, et du mont Huascara, de 6785 mĂštres d’altitude. Pour commencer, il fallait y monter. Nous nous sommes mis en route sans sherpas, avec le strict minimum comme Ă©quipement, moi de ma part j’ai mĂȘme dormi dans ma voile. Pour m’y prĂ©parer Ă  cet exploit, j’avais vendu mon appart et achetĂ© une caravane, sans chauffage – pour m’habituer au climat, j’avais passĂ© un hiver dedans. Puis en rentrant, j’ai encore vĂ©cu trois ans dans cette caravane.
– Ensuite, tu as choisi le vatican comme piste d’atterrissage

– C’était au dĂ©but de la guerre d’Iraq
 Avec un ami prĂȘtre de 74 ans, nous avons collectĂ© des signatures de protestation, et j’ai livrĂ© la liste Ă  la direction du Vatican en paramoteur, comme ils n’avaient pas encore pris de position officielle. J’ai demandĂ© par fax l’autorisation d’y atterrir, et comme je n’ai pas eu de rĂ©ponse – qui ne dit mot, consent – je suis parti. le voyage a durĂ© cinq jours, pendant lesquels j’ai entendu mĂȘme l’information que le Vatican considĂšrait mon action comme une acte de terrorisme. Pour Ă©claircir la situation – c’est Ă  dire dĂ©montrer mes intentions pacifiques – je me suis fait interwiever par une chaĂźne de tĂ©lĂ© commerciale. Je n’était quand mĂȘme pas trĂšs rassuré  Je suis arrivĂ© au-dessus de la citĂ© Ă  six heures quarante, je cherchais les tireurs d’élite, mais je n’ai vu qu’une voiture de police, avec des passagers qui dormaient le sommeil des justes, et ne sont pas rĂ©veillĂ©s mĂȘme quand je les ai survolĂ©s au ralenti. Les conditions turbulentes ont rendu l’atterrissage assez difficile, pendant que – digne Ă  l’esprit des lieux – je ne m’arrĂȘtais pas de prier: Mon Dieu, accorde-moi la grĂące de ne pas me faire fusiller le derriĂšre 
 Quand j’ai enfin atterri, mes nouvelles godasses achetĂ©es exprĂšs pour l’occasion ont glissĂ© sur le pavĂ©. Je suis tombĂ© sur le dos, l’hĂ©lice y a passĂ©e, bien sĂ»r. Alors les gardiens de l’ordre ont Ă©mergĂ© du sommeil, et mĂȘme appelĂ© plein de leurs collĂšgues qui sont arrivĂ©s d’urgence, Ă  grand bruit de syrĂšnes. Je gĂźsais lĂ  comme un gros insect impuissant, sur le dos, mais trĂšs longtemps, puisqu’ils m’ont tout de suite amenĂ© en taule.
– Quelles sont les conditions dans une prison italienne?
– Pas mal. D’ailleurs les flics et les gardiens ont apprĂ©ciĂ© mon idĂ©e et m’ont traitĂ© de façon humaine. L’opinion publique et les mĂ©dia Ă©taient aussi de mon cĂŽtĂ© – c’est grĂące Ă  cela que dĂšs le lendemain ils m’ont laissĂ© partir.
– Jusqu’ici, ton plus grand coup Ă©tait quand mĂȘme le survol de 871,6 km de la MĂ©diterranĂ©e (voir le numĂ©ro d’avril 2005 de MotormadĂĄr), ce qui avait certainement demandĂ© une organisation complexe et surtout un financement... Comment as-tu prĂ©parĂ© le grand voyage?
– J’ai bien appris la leçon de ma premiĂšre tentative Ă©chouĂ©e, oĂč j’ai rĂ©ussi mĂȘme Ă  dĂ©truire ma machine de l’époque, un Flyke modifiĂ©. (Quand je l’ai rapportĂ© Ă  l’usine, le mĂ©cano a dit de n’avoir jamais vu pareil ; Ă  mon avis ce n’était pas si mal vu les circonstances.) La plus grande difficultĂ© Ă©tait de trouver des sponsors. Je menais des nĂ©gociations en permanence, cependant il fallait bien sĂ»r obtenir les autorisations de vol, ce qui coĂ»te pas mal... Il y avait un moment oĂč le projet paraissait vouĂ© Ă  l’échec, l’un de mes mĂ©cĂšnes ayant fait faillite. Selon le plan d’origine, j’aurai atterri en Lybie, mais comme il s’est avĂ©rĂ© absolument impossible d’en recevoir l’autorisation, nous avons un peu dĂ©placĂ© la destination. Pendant tout ça, j’avais plein de doutes, et mĂȘme la trouille, Ă  dire la vĂ©ritĂ©. J’ai Ă©crit des lettres d’adieu Ă  mes proches – si ce n’était pas trop pathĂ©tique, je dirais que ma vie Ă©tait dans quelques enveloppes –, et demandĂ© Ă  ma copine de les poster si je ne reviens pas.
A 70 lóerÔs Hirth motorral szerelt paratråjk
Au jour de dĂ©part, il ne me restait pratiquement plus un sou. Le « coup de grĂące » m’a Ă©tĂ© donnĂ© par l’autoritĂ© grecque: ils m ‘ont retirĂ© l’autorisation de dĂ©coller sans explication raisonnable, quand j’étais dĂ©jĂ  sur place : ça m’a coĂ»tĂ© les quelques derniers milliers d’euros. Quand enfin ils m’ont autorisĂ© Ă  dĂ©coller, je n’avais plus la force d’avoir peur, je voulais seulement terminer avec toute cette histoire. Je savais cependant qu’aprĂšs le „point of no return” on reste Ă  deux: la MĂ©diterrannĂ©e et moi.
– Par ce vol, tu voulais protester contre la guerre d’Iraq

– J’ai la conviction que le vol peut servir – par l’intermĂ©diaire des mĂ©dias – des objectifs d’un ordre supĂ©rieur.
– Tu pense continuer ta collaboration avec Fresh Breeze?
– Absolument.
– Sur le web circulait un vidĂ©o d’un looping ratĂ©...
– C’est un peu difficile
 A l’époque, j’en avais dĂ©jĂ  fait beaucoup en paramoteur, mais c’était ma premiĂšre tentative avec un chariot. A 150 mĂštres, j’ai cru que ça allait encore, puis j’ai failli finir en salto mortale. A 80 mĂštres, j’ai ouvert mon parachute de secours, et j’ai assez bien atterri. Le seul problĂšme Ă©tait que trois milles personnes ont vu ce spectacle.
– Et la suite?
– Maintenant, je voudrais me reposer un peu
 Ensuite j’ai pensĂ© Ă  tenter ma chance dans les affaires, peut ĂȘtre j’ouvrirai un magazin d’alimentation bio. J’aurai bientĂŽt trente ans, il est temps de faire quelque chose d’intelligent.
– Comment serait-il possible de surpasser le record du monde?
– Je ne sais pas encore
 mais je vais inventer quelque chose!

Mezei Katalin
Photo: Szabó György


 
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