Nous sommes passĂ©s a Eger le 11 juillet avec StĂ©phane KĂŒbler, lâhomme clef dâAir Creation et lâun des personnages les plus rĂ©putĂ©s du monde du pendulaire, et avec PĂ©ter Szalay, le âstakhanovisteâ de plus en plus actif du mouvement UL hongrois, pour dĂ©guster la nouvelle rĂ©colte Apollo.
Chez Halley, les nouveaux modeles sont dĂ©terminĂ©s par lâĂ©volution plutĂŽt que par la rĂ©volution. Le nouveau Jet Star nâest pas quelque chose dâinĂ©dit, mais plutĂŽt une version amĂ©liorĂ©e de lâancien modele. Le plus grand changement est le radiateur placĂ© au vertical en dessous du moteur, et les ouies a commande manuelle. Lâouverture et la fermeture de celles-ci doivent assurer la tempĂ©rature adĂ©quate du moteur dans toutes les phases du vol, ce qui a une importance majeure surtout dans le cas des Rotax a 4 temps de plus en plus frĂ©quemment intĂ©grĂ©s. Câest chez Pegasus quâil a Ă©tĂ© remarquĂ© pour la premiere fois le phĂ©nomene du refroidissement a lâexces par le vent, a grande vitesse. Lâhuile des moteurs a 4 temps assure la lubrification idĂ©ale a 90â100 °C, si la tempĂ©rature reste durablement infĂ©rieure, tĂŽt ou tard de lâeau va sâaccumuler en raison de la condensation. Pour Ă©viter ce phĂ©nomene, sur le Quik par exemple il est prescrit que lâhuile doit atteindre la tempĂ©rature nĂ©cessaire a lâĂ©vaporation de lâeau au moins une fois pendant chaque vol, autrement la lubrification du moteur se ferait bientĂŽt avec de lâeau huilĂ©e et pas avec de lâhuile. Il existe Ă©galement une solution plus simple, utilisĂ©e dans lâindustrie automobile; câest le bypass du radiateur par une dĂ©tection de la tempĂ©rature (calorstat), mais cela veut dire que lâeffet refrigĂ©rant du vent est âgaspillĂ©â, la traĂźnĂ©e par contre est la et coute en vitesse et Ă©nergie, donc en argent. Un tel systeme a commande manuelle peut etre bien exploitĂ© avec un tableau de bord numĂ©rique BrĂ€uniger ou autre, Ă©quipĂ© dâalarme acoustique ou visuelle, rĂ©glĂ©e sur un parametre critique. Comme ça, le pilote ne vas pas accidentellement âcuireâ le moteur. Il est meme possible de saisir la valeur de la tempĂ©rature mini de lâhuile, de cette façon lâalarme se dĂ©clanche aussi sâil faut fermer les ouies en cas de descente au ralenti pour Ă©viter que le moteur refroidisse trop, ce qui pourrait entraĂźner un choc thermique; sans parler dâun Ă©ventuel touch and go, quand on essayerait de tirer la puissance maxi du moteur refroidi⊠Air Creation a Ă©galement pensĂ© a enlever le radiateur dâen-dessous le ventre du chariot, et sur le Tanarg il a Ă©tĂ© placĂ© devant lâhĂ©lice, mais ils nâont pas eu lâidĂ©e de faire passer lâair de façon sĂ©lective par le radiateur â dâailleurs surdimensionnĂ©.Chez Halley, ils ont jugĂ© moins important la taille du radiateur que le nombre des molĂ©cules dâair le traversant par unitĂ© de temps. Ils ont donc crĂ©Ă© une mini-soufflerie dans les derniers deux tiers de lâancien coffre, pour accĂ©lĂ©rer â a lâaide de lâeffet venturi - la circulation de lâair entre les lamelles du radiateur. Le profil ainsi nĂ© a Ă©tĂ© baptisĂ© âqueue de canardâ par les gars de lâusine. Il faut dire quâa cause du manque de temps et de capacitĂ© la rĂ©alisation du prototype a Ă©tĂ© confiĂ©e a LĂĄszlĂł Fiel, un excellent spĂ©cialiste des matieres composites a Gödöllő.
Les autres modifications sont lâabaissement du chariot, un train avant plus petit, un carĂ©nage du nez de type âConcordeâ et lâangle plus plat de la pare-brise. Lâeffet conjuguĂ© de ces changements a amĂ©liorĂ© de 11,2 points le coefficient aĂ©rodynamique du pendulaire, mesurĂ© en soufflerie, sans parler de lâaspect esthĂ©tique.
CĂŽtĂ© technique, il faut mentionner le chauffage du carburateur par circulation de la liquide de refroidissement des moteurs 912. La nouvelle aile de 15 m2, destinĂ©e Ă surpasser lâiXess fera lâobjet dâun article Ă part, comme au moment du test les conditions mĂ©tĂ©orologiques ne permettaient pas de former un avis objectif.
Nous avons utilisĂ© deux machines pour le test, avec respectivement un moteur Rotax de 80 et de 100 chevaux, les deux Ă©quipĂ©es dâhĂ©lice Arplast et dâaile iXess. Le vent Ă©tait perpendiculaire au piste, de 30 km/h au sol, avec des bouffĂ©es de 40â50 km/h. Tout autour des cumulonimbus, avec des pluies par ci â par lĂ , il Ă©tait Ă©vident de ne pas quitter lâespace de lâaĂ©roport. Câest PĂ©ter Szalay qui a dĂ©collĂ© en premier en partant dâĂ cĂŽtĂ© du hangar, Ă 45 degrĂ©s sur la piste. Le vent et la puissance du moteur auraient permis le dĂ©collage de travers, mais dans ce cas il se serait trouvĂ© dâemblĂ©e au-dessus des vignes, ce qui est une option peu sympathique en cas dâarrĂȘt moteur. Le Jet Star montait comme sâil Ă©tait treuillĂ©. Jâai aussi roulĂ© sur la piste, chauffĂ© le moteur Ă la tempĂ©rature prescrite de 50 °C en un temps record malgrĂ© les 15 degrĂ©s de lâair ambiant, puis mis les gaz en gardant les ouĂŻes fermĂ©es. Bien que « seulement » Ă 80 chevaux, Ă peine vingt mĂštres ont suffi au moteur Ă quatre cylindres pour soulever la machine. Je montais Ă 5000 tr/mn, avec le vario Ă 8. ArrivĂ© Ă 300 m QFE (altitude par rapport Ă lâaĂ©roport) la tempĂ©rature de lâhuile a grimpĂ© Ă 90 °C, mais je me suis mis en palier et accĂ©lĂ©rĂ©, ce qui a fait baisser la tempĂ©rature dâhuile Ă 85 degrĂ©s. Nous avons passĂ© un quart dâheure dans lâair au-dessus de lâaĂ©roport, entre 100 et 500 m dâaltitude. Le vent Ă©tait laminaire en haut, mais dâune vitesse de 60-70 km/h selon le GPS.
Le signal OIL TEMP nâa commencĂ© Ă sâallumer sur le BrĂ€uniger quâen montant Ă 80 km/h, au rĂ©gime maxi du moteur, et seulement aprĂšs une minute et demie ; alors jâai ouvert les ouĂŻes et continuĂ© Ă monter. Fini le clignotement, la tempĂ©rature de lâhuile est redescendue Ă 85 degrĂ©s. Toujours avec des ouĂŻes ouvertes, jâai remis la machine en palier, et accĂ©lĂ©rĂ© Ă 120. TempĂ©rature dâhuile de 60 °C. Jâai refermĂ© les ouĂŻes et dans deux minutes, câĂ©tait 85 °C de nouveau. Ca marche, pensĂ©-je. Les conditions aĂ©rologiques brutales ne mâont pas permis de vĂ©rifier les avantages aĂ©rodynamiques du dĂ©veloppement. On a certainement gagnĂ© quelques km/h en vitesse maxi et quelques dĂ©cilitres de carburant, mais seulement un trajet plus long pourra le prouver. Ce qui Ă©tait plus impressionnant, câĂ©tait lâabsence quasi totale du phĂ©nomĂšne de prĂ©cession, Ă tout rĂ©gime. Bien sĂ»r, en reprenant ou remettant fortement les gaz, le chariot a quand mĂȘme virĂ© un peu Ă cĂŽtĂ©, mais Ă grande vitesse il ne volait pas de travers mĂȘme Ă 5800 tr/mn. Le trapĂšze nâa jamais dĂ» ĂȘtre tirĂ© latĂ©ralement aprĂšs la seule et unique fois au moment du dĂ©collage. Je me suis positionnĂ© pour lâatterrissage, Ă 60 degrĂ©s sur la piste, avec moteur, puis le sol approchant, je laissais la machine sâaligner. Jâai dĂ» bien attraper le trapĂšze, mais sur le dernier mĂštre, lâair sâest lissĂ©, je me suis posĂ© doucement, en roulant seulement quelques mĂštres.
AprĂšs une bonne demie-heure dâĂ©change dâexpĂ©riences entre experts, câĂ©tait mon tour dâessayer lâautre machine de 100 chevaux ; mĂ©galomanie ou pas, elle a surpassĂ© la prĂ©cĂ©dente en taux de montĂ©e et en vitesse, tout en Ă©tant beaucoup moins bruyante. Suivaient les essais avec passager, Ă charge maxi ; comme nous avons pensĂ©, les ailes volaient plus calmement, les efforts nĂ©cessaires au gouvernes et la vitesse maxi ont augmentĂ©. Le taux de montĂ©e maxi a diminuĂ© de presque 2 m/s, mais il a toujours restĂ© 6 m/s pour le 912, 8 m/s pour le 912S. Vu les conditions aĂ©rologiques, il ne faut pas tenir compte de la vitesse maxi atteinte, mais pour lâinfo: le GPS a indiquĂ© 185 km/h vent arriĂšre et 85 km/h vent de face. Pas de plein gaz, câest vrai, et pas de trim. Au moins aile et chariot ne risquaient pas dâatterrir Ă des moments diffĂ©rents.
PĂ©ter Szalay nâest pas dâune nature forcĂ©ment et en permanence satisfaite, mais Ă la fin des vols, exceptionnellement on ne voyait ni mĂ©contentement, ni Ă©nervement sur son visage. Stephane KĂŒbler prĂ©fĂ©rait se taire mystĂ©rieusement. Visiblement, il ne voulait pas donner son avis, ce qui se comprend, comme câest un français et les machines en majeure partie hongroises. A part ça, il Ă©tait censĂ© rĂ©gler les ailes iXess aux nouveaux chariots, avec une attention particuliĂšre Ă modĂ©rer la prĂ©cession, idĂ©alement Ă lâĂ©liminer. Il nâa pas dĂ» mouiller sa chemise, il nâavait quâĂ toucher Ă peine les bandes Dacron Ă velcro, limitant lâextrados et lâintrados, servant normalement au rĂ©glage des profils Air Creation. Les unitĂ©s aile-chariot volaient ensemble de maniĂšre stable et harmonique, comme si elles avait Ă©tĂ© faites exprĂšs pour.
Plus tard, on a quand mĂȘme rĂ©ussi Ă lui arracher trois remarques :
â Les trikes Apollo sont tout Ă fait corrects, leur niveau de puissance, de confort et de finition est absolument de premier rang. Pourquoi ils ne sont pas plus recherchĂ©s Ă lâOuest ? Parce quâils ne sont pas assez chers, et les clients ont tendance Ă ne pas trouver sĂ©rieux les machines dont le prix reste trĂšs infĂ©rieur au prix Cosmos ou Air Creation.
â Pour parfaire lâesthĂ©tique, il faudrait abaisser le chariot, surtout le train avant devrait ĂȘtre mieux couvert ; Ă lâarriĂšre, une jambe de train en composite, de type âcantileverâ rendrait la machine encore plus jolie et renforcerait la propretĂ© aĂ©rodynamique.
â Les solutions techniques ne sont pas assez spectaculaires, pompiĂšres. Le client occidental adore les extras qui tapent dans lâoeil, les gadgets souvent inutiles dâailleurs. Comme par exemple les tuyeaux en silicone bleue pour la liquide de refroidissement, le pot dâĂ©chappement chromĂ©, le chauffage du carburateur, les freins Ă disque Ă©quipĂ©s dâABS sur les trois roues. Il existe des extras intĂ©ressants, comme les sacs de voyage qui se zippent dans le carĂ©nage, ceux-ci sont par exemple trĂšs utiles comme supports de publicitĂ© et servent au pilote Ă exhiber son identitĂ©. De plus, ce sont des babioles qui permettent au fabricant de faire son profit. Les clients occidentaux nâacceptent pas psychiquement quâun fabricant UL gagne sur ce quâil leur vend, mais les dĂ©tails techniques spectaculaires suffisent pour justifier Ă leurs yeux le prix plus Ă©levĂ©, et ils sont prĂȘts Ă gaspiller lâargent pour des gadgets plus ou moins superflus.
Ca donne Ă rĂ©flĂ©chir, nâest-ce pas?
Texte et photos de György Szabó