On a souvent tendance à ne pas apprécier ce qu’on a devant les yeux. Comme un ami philosophe de V.P. a l’habitude de présenter son épouse (d’ailleurs très jolie) : qu’est-ce qu’elle serait bien si elle n’était pas ma femme …
V.P. a pensé bien sûr à « notre avion », l’Apollo Fox fabriqué en série par Halley à Eger. Il
n’attendait pas à ce qu’il soit dans la même catégorie que les autres machines connues, il comptait sur un 2CV parmi les Porsche et les Ferrari, mais il
espérait bien un prix discret conséquent, et ce petit détail gagnait de l’importance surtout dans la perspective de l’adhésion imminente de la Hongrie à
l’Union Européenne, aussi bien que le fait d’investir ses derniers sous plutôt dans un produit hongrois. En route pour Eger donc, où un arrière-neveu d’un
classique authentique, du Kitfox, l’attendait pour une aventure de printemps.
Cet avion a été inventé par les américains au début des années
80, où la crise économique faisait sentir ses effets. L’idée de base était une machine biplace de catégorie STOL, vendu en kit, simple, rustique et solide,
dont une personne pouvait replier les ailes en moins de dix minutes. Décollage-atterrissage sur la prairie derrière la grange, hangar dans la remise de la
cour. Et ça marche ! Depuis 1984, quand Denney Aerocraft a fabriqué la première machine, plus de 4000 kit ont été vendus dans 42 pays du monde. Les quatre
premières versions ont été développées par Denney, puis ils ont vendu le droit de fabrication à Skystar Aircraft Corporation en 1992, qui ont ensuite sorti
les modèles 5, 6 et 7. Dans la structure pratiquement inchangée, tous les moteurs ont été essayés du Rotax 447 au Lycoming de 120 chevaux, y compris le turbo
114 quatre cylindres et des différents moteurs VW à deux pistons opposés. Le vol des machines de la série 7 n’est plus "low & slow" (bas et lent), comme
l’altitude maximale est de 25000 pieds, et leur vitesse de croisière est de 150 miles/heure, même pendant 700 miles de distance utile. Bien sûr, pas dans la
catégorie UL, mais c’est une autre histoire, la machine est pratiquement la même.
Le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas une machine mal
dégrossie que l’équipe d’Eger essaie de retaper. Le Kitfox, ainsi que son demi-frère, l’Avid Flyer sont partout fabriqués au monde sous les noms les plus
variés, pour ne pas aller trop loin, en Slovaquie, il s’appelle Eurofox.
La structure du fuselage est soudée en fonte d’acier, les ailes placées en
haut sont en fonte d’aluminium, le carénage en toile "Ceconite". Le train d’atterrissage principal est constitué d’un ressort plat en aluminium, avec frein à
disque hydraulique ou frein à tambour mécanique, à l’avant ou à l’arrière, au choix. Quant au moteur, le choix est très large, le plus souvent : Rotax 582 UL
Mod 99 (65Hp), 912UL (80 Hp), 912 ULS (100 Hp), Jabiru 2200 (80Hp), Subaru EA 81 (100 Hp).
Des hélices aussi en abondance : de celle à deux
bras en bois, jusqu’aux hélices 3 ou 4 bras, en plastique ou en carbone, avec angle fixe ou réglable.
Depuis l’automne dernier, Halley possède une
machine « démo » aussi, à train d’atterrissage avant (le pragmatisme emporte sur l’esthétique), équipée d’un moteur Subaru.
Dès qu’on la voit sortir
du hangar d’Apollo Airport sous le ciel couvert d’avril, elle a l’air d’une bête très sympathique. Pas vaniteuse, pas fascinante : elle inspire confiance.
Comme si elle te faisait un clin d’oeil : tu verras, je serai une bonne pote, je te pardonne tout, je me laisse tout faire. Elle a dû hériter cet aspect «
poussette volante » de ses ancêtres américain. Prévol et passage en revue : eh oui, la finition ne monte pas à l ‘assaut de Pipistrel ou de Flight Design
dans tous les détails, mais il n’y a aucune raison de rougir. Toutes les solutions techniques sont sûres et simples. Le raccord supérieur du montant
nécessite quand même un peu d’amélioration encore, " Zolika" (qu’on ne doit pas présenter, voir « L’histoire d’Apollo ») confirme tout de suite qu’ils
travaillent sur le problème. (Notre ami a d’ailleurs subi une métamorphose époustouflante, dont l’un des symptômes les plus relevants est qu’après t’avoir
serré la main, il sort d’un geste prompt une cigarette comme d’habitude, et …il l’allume pas ! Et il est capable de continuer comme ça pendant des
demi-heures, sans filet, restant de marbre. Qui l’aurait cru ?) Dans la cabine, c’est la cérémonie traditionnelle pour prendre sa place : fesses sur le
siège, rotation du tronc de 90 degrés, tout en pliant les genoux. Il y a de la place, mais sans exagération. Autant que dans un Cessna 152. C’est pas un
hasard si les hublots sont bombés. Dans la chaleur d’été, en chemise, avec éventuellement une passagère en topless, l’espace serait même de trop. Sur le sol,
la vue n’est pas mauvaise, tout autour. Le tableau de bord est à la portée de la main, ou même pas. Les instruments sont d’origine chinoise, on aurait craché
dessus il y a 10 ans, aujourd’hui c’est une référence. C’est comme ça. Deux manches à balai, pour le pilote et le passager, ce qui pour V.P. est plus
sympathique que l’un seul entre les deux sièges ou les variantes en « Y » , mais c’est vraiment une question de goût.
Au milieu, devant les sièges,
un peu pêle-mêle : les freins différenciés, ils ont l’air des manettes des gaz d’un avion à deux motopropulseurs (plus tard, il se révèlent d’une très bonne
efficacité, et permettent des virages serrés très précis), le bras de type « frein à main » des volets (à trois positions: croisière, décollage,
atterrissage), et le plus à l’arrière, la manette du trim de profondeur, poussé en avant lourd du nez et vice versa. Cependant, Gyuri Vereb, le pilote
d’essai officiel et professionnel de l’usine prend sa place à gauche. Comme s’il avait été fabriqué sur une autre échelle que la machine.
« Le
poids utile de 180 kg prescrit par le manuel est atteint au poids vif, à condition qu’il s’agit du poids net total des pilotes, c’est à dire désossés et
étripés » pense V.P. Gyuri vérifie le niveau du carburant dans les réservoirs dans les ailes, pour cela, pas besoin d’instruments, donc sûr-sûr. Le démarrage
du propulseur se fait en tournant la clé de contact, et le moteur Subaru de 100 chevaux démarre au quart du tour ; ça roule, pas d’à-coups, pas de
secousses. Le bruit du moteur est beaucoup plus agréable que celui du Rotax 912, le type le plus répandu. La voix mélodieuse n’est pas le seul avantage, le
prix du moteur est de plus de 1 MHUF inférieur à celui du Rotax.. A savoir qu’il ne s’agit pas de moteurs flambant neufs, mais des propulseurs achetés par
Halley en grande quantité, remis à l’état et couverts par garantie, équipés de transmissions Rotax C. La seule ombre au tableau par rapport au 912 est la
surcharge de 15 kg, ce qui a rendu nécessaire de mettre un contrepoids dans la queue du Fox, ce qui est un vrai sacrilège pour un UL. Mais le déplacement de
la batterie sous l’empennage vertical résoudra ce problème, conclut Gyuri. Réchauffage, puis dès que la température de la culasse de cylindre atteint 50°,
essai du moteur, puis on commence à rouler. Un vent de 15 km/h, direction piste, mais de Nord. Gyuri décide de ne pas longer toute la piste pour décoller sur
la montagne, mais décoller vent arrière. L’accélération est remarquable, le Fox quitte le gazon en 11 secondes. La machine s’élève à 5000 tr/mn, à 110 - 120
km/h, avec un vario de 2-3 . Gyuri assure notre ami V.P. que le vario 6 peut se maintenir avec une personne et avec le petit angle d’incidence de l’hélice à
quatre bras. C’est à croire. A 300 mètres, machine en horizontal et V.P. prend les commandes. Le Renard est sensible, mais doux, pas du tout surnois. Dès le
début, V.P. arrive à tenir la boule au milieu, malgré qu’elle n’est pas très bien visible au côté gauche du tableau de bord. Pour les virages, il faut le
pied, mais il suffit presque la commande de direction pour tourner. Le trimm est efficace. Par contre, il manque le trim de la commande de direction, parce
que le Subaru produit une procession importante, qu’on doit compenser par le pied gauche. Et ce pied doit s’activer en permanence au dessus de 3000 tr/mn. Le
vario 0 est atteint à 4400 tours, à 120 km/h. V.P. n’arrive plus à se retenir, il accélère, il pousse la manche et appuie la pédale gauche. La vitesse
augmente lentement, mais sûrement, et à 5500 tours, elle voisine 180 km/h. Bien qu’il n’y ait pas d’arc vert et jaune sur l’indicateur de vitesse, V.P. ne
pense pas à forcer. Il a entendu parler des pilotes agricoles faisant des looping et des roulis avec le Fox, mais il a une vague impression que ces
attractions n’ont pas de raison d’être en ce moment. Il lâche les gaz et la pédale. La vitesse diminue assez brusquement. Bien sûr : ce n’est pas à partir de
270 qu’on commence à ralentir jusqu’à la vitesse de décrochage. A vitesse basse, la machine est stable et calme. Autour de 90, ça commence, et à 80, le
"buffeting" se fait déjà bien sentir. Pas de décrochage ou de vrille accidentel, et le tangage commence, malgré que la vitesse affichée est de 75. Ou bien
l’indicateur est optimiste, ou pendant l’hiver, on a encore réussi à prendre quelques kilos. Il essaie avec le moteur aussi, pratiquement pas de changement.
A vol ralenti aussi, le tronc de la machine reste horizontal ou presque ; c’est beaucoup plus agréable que s’il pendait sur l’hélice et on ne voyait que le
zénith. Le décrochage est sain, de bonne direction, et dès qu’on regagne la position du milieu, le courant se remet en place immédiatement, l’altitude
maintenue. V.P. oublie d’essayer avec volets, pourtant ça pourrait marcher pour diminuer la vitesse de décrochage au-dessous de 65 km/h. Tour de piste,
positionnement. En quatrième, on est encore à 150 m et à 100 km/h, on sort les volets. La réaction est un tangage fin, dans la bonne direction. Pas trop de
glissade. Cela facilite le positionnement et le calcul de l’arrondi, surtout si on a aussi le moteur. L’atterrissage se fait sans problème, par contre après
on a l’impression que la machine porte à droite sur la piste en pente. Encore deux tours de piste, et c’est fini.
Arrivée à l’hangar, où
Zolika attend impatiemment les commentaires.
Tous comptes faits, V.P. trouve que c’est la machine par excellence pour la société UL hongroise. On peut
résumer en trois mots :
1: Accessible. Quant au prix d’achat et aux frais d’exploitation et d’entretien. Cela ne veut pas dire que c’est de bon marché.
Dire que voler est un loisir qui ne coûte pas cher, serait de la démagogie hypocrite, à déclarer par des politiques. Le prix de la machine d’Eger peut être
gagné par du travail honnête. Vous comprenez.
2: Accessible. Du point de vue du niveau de compétence. Autrement dire : Un pilote de paramoteur moyen
est tout à fait capable d’apprendre à la piloter, et peut se sentir bien au chaud et en sécurité dans la cabine, disons une journée d’hiver.
3:
Accessible. Parce que c’est à Eger, à une heure/une heure et demie de route de Budapest, il faut pas aller à l’étranger. On peut discuter les détails en
hongrois, avec des hongrois, et si on en commande une, et elle n’est pas prête dans le délai de 5 mois, on peut gueuler en hongrois. Sérieusement, c’est très
important. Dans le métier UL (comme pratiquement dans toutes les activités au moins partiellement commerciales) tout le monde est contraint de faire des
promesses irrespectables. Ce n’est même pas un mensonge, c’est un réflexe inconditionné, pour rester sur le marché. Et si c’est comme ça, alors la personne
de l’interlocuteur et les moyens disponibles pour recouvrer des promesses autant qu’on peut sont décisifs.
V.P. a félicité Zolika. Sans le
dire, il a senti, cet amoureux du vol a réussi à se réaliser par le Fox. Dans un contexte historique, économique il a pu produire le maximum que ses
possibilités humaines, morales, professionnelles lui avaient permis. Et il a donné une forme à ce produit. Et cette forme vole, de plus. Et pas mal. Elle
rend possible au moins les débuts pour tous les hongrois moyens désirant voler en UL. Est-ce que ce n’est pas beau, ça ?
Apollo Fox
Poids à vide (équipement de base, Rotax 912, train d’atterrissage à l’arrière): 279 kg
Envergure des ailes: 9,20 m
Surface
portante: 11,5 m2
Longueur du tronc: 5,75 m
Longueur du tronc (ailes fermées): 6,47 m
Largeur (ailes fermées): 2,39 m
Hauteur:
1,7 m
Réservoir de carburant: 60 litres
Largeur max de la cabine : 1,1 m
Vitesse minimale: 64 km/h*
Vitesse maximale: 180
km/h*
Vitesse de croisière: 150 km/h*
Parcours de décollage: 70 m
Parcours d’atterrissage: 90 m
(* paramètres d’usine, à
l’occasion du test, les conditions n’étaient pas adéquates pour les vérifier)
Prix (HT):
Apollo Fox (moteur, support moteur, sans
instruments): 3.550.000 HUF
Apollo Fox avec moteur 912, hélice, instruments de base: 6.810.000 HUF